Mais qu’est-ce qu’on fabrique ?

Un siège. Pas n’importe quel siège, un siège confident. En velours, d’un beau rouge brique.
L’un des spectateurs regarde vers le passé, l’autre vers le futur.
Ils sont au présent.
Pour les uns, le futur sera devant eux, le passé derrière.
Pour les autres, à l’image des anciens mésopotamiens ou des amérindiens Aymara, le passé est devant parce que connu et visible et le futur, par nature inconnu et invisible se trouve derrière.
Ils regardent chacun des images. En boucle.
Les images du passé sont celles d’un homme au travail. Il façonne des briques en caressant l’argile. Geste ancestral. Lorsqu’il disparaît de l’écran, c’est le fruit de son travail qui reste et s’étend à l’infini.
Les images du futur montrent le passage du virtuel au réel. Une brique programmée est réalisée par une imprimante 3D. Aucun humain n’est présent.  La machine dépose une matière qui peu à peu donne sa forme à la brique. Les briques s’alignent parfaitement. Geste robotisé.
Les deux vidéos semblent par le fond s’opposer ou du moins opposer deux mondes : un monde ancien où l’homme serait central et un monde nouveau d’où l’homme est exclu.
Cependant la forme intrigue. Les deux vidéos ont rigoureusement la même durée. Dans les deux cas, tout va plus vite que dans le réel. Et ce qui est donné à voir semble s’accélérer. À y regarder de plus près, ce n’est pas tant les images qui sont accélérées que leur  succession. Et que voit-on ? Qu’au sein de cette course, c’est la répétition qui émerge. C’est tout le temps la même chose qui est faite. Avant ou après. Dans le passé comme dans le futur. Les machines ne dispensent pas l’homme de sa condition.
« Mais qu’est-ce qu’on fabrique ? »

Le siège.
Ce siège est aussi celui des spectateurs du monde. De ce monde.
Pour les Anciens, la Terre ne pouvait qu’être plate. Peu à peu le progrès scientifique a montré sa rondeur. Mais de ronde dans nos esprits, à l’image des téléviseurs disposés ici, elle est redevenue plate. Elle n’est plus qu’une succession d’images qui se déversent sans jamais s’arrêter. Et toujours les mêmes images…
« Mais qu’est-ce qu’on fabrique ? »

Enfin ce siège comme un frêle esquif.
Deux chaises réunies à quatre mains pour en faire un « confident ». Dans confident comme dans fiancés, il y a ceux qui se font confiance. Entre le passé et le futur, un couple est réuni. Il est là, au sein de ce monde, chaque brique comme autant de souvenirs en  commun.

 

 


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