Du Coton dans les oreilles

 « DU COTON DANS LES OREILLES »

Sommes-nous sourds pour ne pas entendre le cliquetis actuel des armes ?
Avons-nous donc du « Coton dans les oreilles » ?
C’est ce titre emprunté à Apollinaire qu’ont souhaité donner Agnès Gomez et Jean-Michel Héniquez à leur installation. Agnès Gomez présentant « Shrapnell », un ensemble de pièces en terre cuite et Jean-Michel Héniquez une vidéo intitulée « Décalogue ».

La Somme – la Guerre – la Grande Guerre.
Prenant appui sur la première guerre mondiale, tous deux interrogent la guerre en général.
Ils ont le parti pris de ne pas montrer les images de morts, de souffrances, de destructions qui accompagnent généralement de telles évocations. Les guerres actuelles ne se veulent-elles pas sans images ?

« Shrapnell » (Agnès Gomez)

Shrapnell est une arme anti-personnel, un « obus à balles » qui a pris le nom de son inventeur, un lieutenant anglais appartenant au Corps royal de l’artillerie britannique. Améliorée peu à peu, elle est très « efficace »,
En Picardie, la Grande Guerre est très prégnante, et certains de ses habitants se souviennent d’avoir ramassé, lorsqu’ils étaient enfants, les shrapnells disséminés dans les champs pour les revendre.
« Shrapnell » : 40 pièces en terre cuite partiellement émaillées, 10 cm diamètre environ chacune.
L’extrême sensibilité du matériau, l’argile, autorise toutes les déformations, les fissures, les craquelures, qui deviennent en cuisant cicatrices, fentes, nez écrasé, oreille abîmée, gueule cassée.
L’émail, blanc ou gris foncé, s’écoule en trace satinée sur les sphères anthropomorphes.
Réalisées en argile claire à partir d’un moule qui confère à l’ensemble une certaine unité formelle, chaque pièce est unique car retravaillée une à une.
Le travail en série introduit la diversité dans le semblable, et renvoie ainsi de façon métaphorique à la spécificité de chaque individu.

 

                                                                                                                                          

« Décalogue » (Jean-Michel Héniquez)

J-M Héniquez tente, pour sa part, de répondre aux interrogations : la guerre est-elle représentable ?  Comment combler la béance entre le paysage qu’on voit aujourd’hui et ce qu’on sait de ce même lieu, théâtre de la bataille d’hier ? Peut-on faire émerger l’histoire que les lieux portent en eux comme une cicatrice invisible laissée par le passé ?

 

« Décalogue » : Littéralement : Les dix paroles, est une suite de 10 « tableaux » formant un ensemble homogène vidéographique (5 min 37 s)

  Tableau I : Plaies (93 s) (Couleur et N & B) (Incipit)

Chant (Dušan Prelević Prele) extrait de « La nuit » (Goran Bregović) (1992)
Paix / Abondance / Moisson / Coup de feu : Sarajevo 28 juin 1914 / Ténèbres / Grêles / Les champs dépérissent / Pluie // Jardin d’Eden / Péché / Déchéance /

« Et quand la pluie tombe, naguère heureuse, c’est pour pourrir nos chairs » P.G.

  Tableau II : Der Krieg (15 s) (Couleur)
Hommage à Otto Dix (Tryptique «Der Krieg ») (1929-1932)
Musique : (Dixit Dominus : De torrente in via bibet) Haendel / John Eliot Gardiner 1978.
Les quatre éléments : le feu, la terre, l’eau, l’air / Sacré / Croire / Fond bleu /

Sur la prédelle : les coquelicots associés au souvenir des soldats tombés.
  Tableau III : Ligne (20 s) (N & B)

Plaque d’argile et couteau / Vue aérienne / Terre / Frontière / Fracture / Ligne de front / Tranchée / Zone rouge / Blessure / Fleuve de sang /
« Nous avons été tués là, là où il n’y a plus d’images » P.G.

  Tableau IV : Mémoire (25 s) (N & B colorisé)
Appel aux souvenirs : J’accuse (Abel Gance) (1919) / Benjamin Button (David Fincher) (2008) / Remonter le temps / Inversion / Défaire / Incarner /
« Qu’est-ce que la guerre ? C’est faire avec les champs des cimetières et des croix qui sont autant d’étoiles blanches » P.G.
  Tableau V : Décomposition (31 s) (Couleur)

Coquelicots / Poème / Alternance jour et nuit / Fond bleu / Fin : voir Tableau IX /
« Plus rien d’autre ne bouge que la lente décomposition des corps »

  Tableau VI : Gaz (27 s) (N & B)

Nuit / Nuée / Tête de mort  / Gaz mortel / Vanité / Œil inquiet / Fusée éclairante / Métal brûlant / Expressionisme allemand /
« Où suis-je ? / Où sont-ils ?»

  Tableau VII : Lettres (24 s) (Couleur)

Beaumont-Hamel / Tranchée / Guerre de position / Immobilité / Quatre saisons / Attente / Occupation / Écriture / Timbre / Courrier / L’arrière / L’épouse /

« Si tu m’attends, je reviendrai, mais attends-moi très fort et je reviendrai…. ».
Constantin Simonov (1943)

  Tableau VIII : Canons (21 s) (N & B)

Orages d’acier / Feux roulants / Pilonnage avant assaut / Nuit / La musique s’arrête quand l’humanité disparaît /

« C’est le canon, c’est notre mort, c’est votre mort, c’est la MORT » P.G.

 

  Tableau IX : L’assaut (17 s) (Couleur)
Coquelicots / Champ de morts et de corps décomposés / Personnalisation / Sang / Mort / Fin : voir Tableau V / Fond bleu / Dormeur du val /
« La Mort, elle est un coup sec, ce qu’a compris la balle » P.G.
  Tableau X : Deuil (39 s) (Couleur) (Excipit)
Perte / Disparition / Terre / Champ vierge / Shrapnell / Lignée / Filiation /
« Le paysage reviendra, tout reviendra sauf moi » P.G.

P.G. : Pierre Garnier in « 1916 La Bataille de la Somme ». La Vague verte 2006
Merci à Antoine Revel – Mouroz pour son aide.

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